Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/282

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qui m'avait à fond remué par le rapport frappant des situations et des souffrances avec les nôtres : l'histoire de Gustave de Linar et de Valérie ?. Plus les choses écrites retracent avec fidélité un fait réel, un cas individuel de la vie, et plus elles ont chance par là même de ressembler à mille autres faits presque pareils, que recèlent les humaines existences. Madame de Couaën lut, et s'attendrit extrêmement sur Gustave, sur Valérie, sur le noble caractère du Comte, sur le petit Adolphe mort au berceau, sur tant de secrètes ressemblances. J'essayai de lui faire entendre qu'égaré par la passion comme Gustave, je n'avais cherché loin d'elle qu'une Bianca ; que c'était une liaison d'un ordre assez fragile où j'avais voulu m'étourdir ; que, d'ailleurs, nulle infidélité irréparable n'était consommée encore, et qu'il pouvait être toujours temps de briser.

Elle m'écoutait, mais sans s'ouvrir à mes raisons obscures, et ne concevant d'autre infidélité que l'infidélité du cœur.

Elle me savait gré toutefois de ce geste d'effort pour réparer ; et puis elle se reprochait presque aussitôt ce regard en arrière, après le coup funeste qui l'avait, disait-elle, punie et avertie.

Le jour de son départ, elle me remit pour mademoiselle de Liniers un billet d'adieu et d'excuses, ne l'ayant pu visiter. Elle me dit qu'à moi, elle m'enverrait dès son arrivée là-bas un souvenir. Le marquis me parla de passer chez eux quelques semaines au voisin printemps. Mais ce second départ, quoique plus décisif et plus déchirant que le premier, m'a laissé moins d'empreinte : notre âme n'est vierge qu'une fois pour la douleur comme pour le plaisir.

Dans l'après-midi qui suivit la séparation, je me rendis chez mademoiselle de Liniers ; elle n'y était pas ; je donnai la lettre pour elle, mais cette lettre n'était pas seule, et, après mainte lutte et combinaison, j'y avais enfermé une feuille de moi dont voici le sens : “La