Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/296

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sois secourable ; si elle n'en a plus besoin, faites qu'elle me le soit ! - Considérez pour l'amour d'elle toutes les créatures humaines comme ses sœurs ; ce sont autant d'acheminements à les aimer comme de purs enfants de Dieu. Quand vous retombez au mal, songez à ceci, qu'elle en sera tôt ou tard informée, qu'elle aura à s'en repentir pour vous, que l'esprit de grâce en sera contristé en elle. La peine et la honte que vous ressentirez à cette idée vous feront plus tôt revenir de votre conduite infidèle. Toutes les voies sont bonnes et justifiables, je l'espère, qui ramènent de plus en plus aux vallées du doux Pasteur. Ainsi, mon ami, effort et courage ! Si vous aimez vraiment, si l'on vous aime, que vous ayez ou non failli de cette ruine mutuelle trop chère aux amants, relevez-vous par le fait même de l'amour ; réparez, réparez ! transportez à temps l'affection humaine, encore vive, dans les années éternelles, de peur qu'elle ne s'obscurcisse avec les organes, et, comme eux, ne se surcharge de terre. L'âge pour vous va venir ; votre rire aimant sera moins gracieux, votre front se dépouillera davantage ; ses cheveux, à elle, blanchiront, chaque fin d'année y laissera sa neige. Réfugiez-vous d'avance où rien ne vieillit ! Faites que, nonobstant l'appesantissement des membres et la déformation des traits, le temps qui accablera vos corps rende à mesure vos âmes plus allégées. La vieillesse, qui vient après les délices sacrifiées de la dernière jeunesse, retrouvera jusqu'au bout le torrent de l'invisible sève, et se sentira tressaillir aux approches du printemps éternel. Deux êtres qui ont vécu l'un pour l'autre avec privation, désintéressement, ou expiation et repentir, peuvent s'entre-regarder sans effroi, malgré les rides inflexibles, et se sourire, jusque sous les glaces de la mort, dans un adieu attendri.