Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/356

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Tous, rangés sur deux lignes, attendaient que l'évêque, après les avoir avertis de la charge à laquelle ils voulaient se dévouer, leur eût dit : Que ceux qui consentent à recevoir ce fardeau s'approchent ! un pas fait en avant était le signe irrévocable de la volonté et le lien perpétuel. Quelques-uns reculaient et s'en retournaient tristes. Oh ! comme je sentais bien, mon ami, tout le sens de cette parole ! comme je pesais, en avançant le pied tout l'énorme poids de ce fardeau ! - La cérémonie ne se terminait guère qu'à deux heures de l'après-midi, après avoir commencé à sept heures du matin. Dans l'intervalle qui s'écoulait entre la communion générale et la fin de la messe, on présentait un peu de vin dans un calice d'or aux ordinants, pour les soutenir. Au retour, il y avait une grande effusion de joie, des embrassements pleins de cordialité, un mouvement général et qui ne ressemblait à rien, parce qu'il était à la fois tranquille et vif, une allée et venue en mille sens par les cours et les gazons à la rencontre les uns des autres, une pénétration réciproque d'intelligences épurées et un peu au-dessus de la terre. L'ordination pour la prêtrise se faisait à deux époques principales d'été et d'hiver, la veille de Noël ou le samedi veille de la Trinité.

La fête du séminaire était la présentation de la sainte Vierge au temple, le 21 novembre. L'évêque venait dire la messe, et ensuite, assis au pied de l'autel, il recevait chaque séminariste, qui, s'approchant et se mettant à genoux, disait : “ Dominus pars haereditatis meae et calicis mei ; Hi es qui restitues haereditatem meam mihi. Seigneur, vous êtes la part de mon héritage et de mon breuvage ; c'est vous, Seigneur, qui me rendrez le lot qui m'était destiné. ” Ces paroles se lisent au psaume quinzième.

En tout, la vie de l'esprit était bien moins soignée que la vie de l'âme ; on jouissait peu par la première, souvent et beaucoup par la seconde.