Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/77

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pas. " A part son royalisme un peu impatient, le digne homme, en parfait contraste avec ses turbulents voisins, offrait un ensemble de goûts paisibles et méticuleux que des infirmités naturelles avaient de bonne heure encouragés. Sa première éducation fort mince, l'avait laissé à court, même en matière d'orthographe. Toutefois, M. de Vacquerie aimait la lecture, faisait des extraits et copiait au net les beaux endroits les endroits sensibles principalement : il recevait les ouvrages de Delille dans leur primeur. Tous les deux ans un voyage à Paris le tenait au courant d'une foule de petites inventions à la mode dont il était curieux. Il avait chez lui, pour mieux faire accueil aux visiteurs un orgue de Barbarie avec des airs nouveaux et des cylindres de rechange, une optique avec des estampes représentant les vues des capitales, un microscope avec des puces et autres insectes ; un jeu de solitaire sur une tablette du salon, et enfin sa fille, gentil visage en pomme d'api, intéressante miniature. Il fallait entendre, en revenant de là avec madame de Couaën, comme nous déroulions dans notre enjouement. L'inventaire de cette dot future que m'allait apporter l'héritière de ces lieux : ajoutez-y pourtant un joli bois qui couvrait presque une demi-paroisse et deux gardes-chasse pour la montre.

De son côté, mademoiselle de Liniers que je visitais toujours, quoique plus rarement, ne témoignait pas une si insouciante humeur ; mais, dans sa candeur de soupçon ; ce n'était nullement madame de Couaën, C'étaient plutôt mes autres relations qui commençaient à l'inquiéter. Situation mensongère de nos trois cœurs ! illusion trois fois moqueuse !

Mon amour serpentait par ces faux-fuyants sinueux, comme une eau sous l'herbe qui la dérobe. Je le perdais de vue, je l'entendais seulement bruire, parfois même je l'aurais cru évanoui tout à fait, si quelque accident ne m'avait averti. Comme cet amour ne s'essayait