Page:Salverte - Essais de traductions, Didot, 1838.djvu/109

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teur, ne portera-t-on pas, sur le fond même de l’ouvrage, un jugement sévère ? En voyant cet appareil de soins, de sollicitations, de finesses, et presque de ruses, employés pour arriver à une place qui n’aurait dû être briguée que par les talents unis aux vertus, n’est-il pas à craindre que l’on ne qualifie durement l’Essai sur la Candidature, de Manuel de l’Intrigant ?

Cet arrêt précipité serait-il juste ? Quand Tibère eut ravi au peuple romain le droit, au moins apparent, que lui avait laissé Auguste, d’élire ses magistrats, « on ne saurait croire, dit Montesquieu, combien cette décadence du pouvoir du peuple avilit l’âme des grands. Lorsque le peuple disposait des dignités, les magistrats qui les briguaient faisaient bien des bassesses, mais elles étaient jointes à une certaine magnificence qui les cachait, soit qu’ils donnassent des jeux ou de certains repas au peuple, soit qu’ils lui distribuassent de l’argent ou des grains : quoique le motif fût bas, le moyen avait quelque chose de noble, parce qu’il convient toujours à un grand homme d’obtenir par des libéralités la faveur du peuple. Mais lorsque le peuple n’eut plus rien à donner et que le prince, au nom du sénat, disposa de tous les emplois, on les demanda et on les obtint par des voies indignes ; la flatterie, l’infa-