Page:Salverte - Essais de traductions, Didot, 1838.djvu/181

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sera tenté d’attribuer ce retard, non-seulement à l’admirable institution de la censure et à l’habitude non moins admirable qu’avaient le sénat et le peuple même de s’entendre dire, à la tribune, des vérités dures, mais aussi à cet examen rigoureux qu’appelait tous les ans, sur chacun des candidats, la jalousie de ses compétiteurs.

Si l’on s’effraye des haines que de pareilles discussions devaient enfanter, je demanderai à quel point les menées sourdes et ténébreuses dont se compose, chez les modernes, presque toute la science de parvenir, sont propres à entretenir, entre des rivaux d’ambition, l’amitié et la bonne intelligence ? A Rome, du moins, si l’on était injuste, calomniateur même, on l’était à découvert, c’était à la clarté du jour que l’on combattait pour s’entre-détruire ; et cette franchise dans l’inimitié laissait plus de possibilité aux réconciliations.

Que suit-il de là ? qu’il faille introduire cette coutume dans nos mœurs, auxquelles elle convient si peu ? Non ; mais qu’on ne doit pas non plus la condamner légèrement. Elle avait des inconvénients ; et, dans le passé, comme dans le présent, quelle chose n’en a pas ? Mais les avantages l’emportaient encore, dans un pays où les communications de la société étaient très-bornées, et où, par conséquent, la publicité de pareilles