Page:Salverte - Essais de traductions, Didot, 1838.djvu/37

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chie un État libre, puisque par le bienfait d’un seul, une multitude nombreuse parviendra au droit de cité. C’est, je le reconnais, un acte coupable de capter la popularité aux dépens de l’intérêt public. Mais il y aurait autant de lâcheté que d’ineptie à ne point travailler au bien général, parce qu’il favorise un intérêt particulier.

M. Livius Drusus, dans son tribunat, eut constamment le dessein de favoriser de tout son pouvoir le parti des nobles ; et dans le début, il ne fit rien que par leur inspiration. Mais ces factieux, moins fidèles à leurs engagements qu’au désir de tromper et de nuire[1], ne purent voir un seul homme accorder à une foule d’autres le plus grand des bienfaits, sans que chacun d’eux, inquiété par la conscience de ses intentions déloyales et perverses, jugeât de Drusus comme de soi-même ; et dans la crainte qu’à la faveur d’un si grand crédit, ce tribun ne s’emparât seul du gouvernement, tous s’unirent pour le combattre, et renversèrent ainsi des projets conçus pour les servir.

Tu dois d’autant plus. César, redoubler de soins et de témoignages de confiance pour t’assurer des partisans et des appuis nombreux. Il est facile à l’homme courageux d’abattre l’ennemi qui l’attaque de front : mais l’homme probe est aussi prêt à tomber dans des embûches, qu’incapable d’en dresser lui-même.

  1. Le sens nécessaire du mot cariora décide le sens de la phrase, et prouve que fides ne désigne point ici la bonne loi en général ; mais la fidélité que les gens d’un même parti se doivent les uns aux autres. Nous voyons dans un des paragraphes suivants le même mot pris dans le sens de majore curà fideque.