Page:Salverte - Essais de traductions, Didot, 1838.djvu/67

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Victorieux aujourd’hui, tu dois t’occuper de la guerre et de la paix ; terminer l’une en bon citoyen, rendre l’autre aussi juste que solide : fixe-toi donc d’abord sur le meilleur principe qui puisse diriger ta conduite personnelle. La puissance exercée avec barbarie est toujours, je crois, plus terrible que durable. Nul ne peut être redoutable à un grand nombre d’hommes, qui ne doive à son tour en redouter un grand nombre. La vie devient une guerre interminable et toujours indécise : ne se sentant hors d’atteinte ni de front, ni par derrière, ni autour de soi, on n’est jamais exempt d’effroi ou de péril. A ceux qui, au contraire, ont tempéré le pouvoir par la bonté et la clémence, tout a semblé favorable et prospère : ils ont trouvé plus d’équité dans leurs ennemis que d’autres dans leurs concitoyens.

Quelques hommes m’accuseront-ils de frapper de stérilité ta victoire, et de me montrer trop favorable aux vaincus, parce qu’au lieu de venger, suivant la coutume des barbares, le sang par le sang, le massacre par le massacre, je propose d’accorder à nos concitoyens, ce qu’ont souvent obtenu de nous et de nos ancêtres, des peuples étrangers, nos ennemis naturels ? Quoi ! a-t-on oublié les reproches qui, peu avant la guerre, flétrissaient et Pompée, et le triomphe de Sylla ? A-t-on oublié Domitius, Carbon, Brutus, et tant d’autres Romains, égorgés, non dans le combat, les armes à la main, et par le droit de la guerre, mais, ô comble de crimes, désarmés et sup-