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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN


Ces jours-là, Angisèle faisait porter son fauteuil au soleil. Ses mains diaphanes aux veinules bleues allongées sur les couvertures, elle buvait avec délice l’air chaud aromatisé par les bois ; les rayons qui l’inondaient lui semblaient traverser sa chair ; parfois, d’un geste puéril, elle promenait ses mains dans la lumière, ouvrant et refermant les doigts comme pour retenir la poussière féerique ; et, engourdie de bien-être physique, elle fermait les yeux, voyant tout en or à travers la cloison transparente de ses paupières baissées.

Mais, dès que le soleil déclinant atteignait la cime des bois derrière lesquels il allait disparaître, et que le jour pâlissait, elle devenait triste ; une mélancolie progressive envahissait ses traits. Souvent alors, il lui arrivait de dire à Rovère, assis près d’elle :

― Parle-moi des beaux pays où je n’irai jamais. Si tu savais, à travers tes paroles, je vois des choses si belles que je ne songe plus à rien.