Page:Sand – Le Lis du Japon, 1866.pdf/24

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vous dire l’est peut-être aussi… Mais, bien loin de vous traiter avec dédain, comme vous semblez le croire, je me sens émue de votre étourderie… j’y vois une absence… une absence de raison, certainement… mais aussi une absence de calcul… et, que vous soyez blâmable ou non, il m’est impossible de ne pas estimer un caractère qui oublie si facilement ses intérêts pour ne songer qu’au plaisir des autres.

JULIEN.

Si c’était un petit plaisir pour vous que de l’accepter… pourquoi l’avoir refusé si durement ?

LA MARQUISE.

Durement ! je ne croyais pas…

JULIEN.

Durement ou non, pourquoi le refuser ?

LA MARQUISE.

Mon Dieu ! il y a des choses que l’usage du monde…

JULIEN.

J’ai un peu vu le monde aussi, moi, madame la marquise. L’esprit et les talents de mon père l’ont fait plus d’une fois rechercher par les grands, et, à ses côtés, tout en me tenant à la place qui appartenait à mon jeune âge, j’ai pu observer ce qui est convenable et ce qui ne l’est pas. Si vous fussiez venue dans l’atelier de mon père, et qu’il vous eût offert cette fleur, vous ne l’eussiez pas refusée.

LA MARQUISE.

Non, sans doute ; un vieillard a le droit d’être galant, et il y aurait mauvaise grâce à s’en offenser.

JULIEN.

J’ai donc eu le malheur de vous offenser, moi ?

LA MARQUISE.

Mon Dieu ! je ne dis pas cela.