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JULIEN.

Si fait, j’ai manqué aux usages, j’ai été présomptueux, impertinent…

LA MARQUISE.

Mais… non.

JULIEN.

Pardonnez-moi, puisque vous me chassez de votre voisinage.

LA MARQUISE.

Tenez, monsieur Thierry, il le faut ! vous n’êtes pas bien ici ; l’isolement, la rêverie… avec une tête vive, on se crée des chimères, on s’attache à des idées… que l’on croit sérieuses et qui ne sont que des fantaisies d’artiste, les élans d’un cœur ignorant de lui-même. Moi, je… je ne sais pourquoi je vous parle de moi… c’est à propos de ce refus qui vous blesse… Je vis dans une grande crainte de moi-même. Je n’aime pas à faire souffrir, j’ai horreur des coquettes ; mais je crains aussi que ma loyauté ne soit méconnue et que la plus innocente marque d’abandon ne soit prise pour une légèreté. Je n’accepte les hommages et les bouquets de personne. Je fuis les regards, ma position me commande cette réserve ; et ce que je n’ai point accepté de vous, je ne l’eusse point accepté d’un duc et pair, je vous prie d’en être assuré, car c’est la vérité que je vous dis.

JULIEN, saluant.

Adieu donc, madame, et que rien ne trouble la sérénité de votre âme. La mienne se brise… et, puisque je ne dois plus vous voir…

LA MARQUISE.

Eh bien ?

JULIEN.

Non, rien, madame. En perdant tout, je ne veux pas perdre le respect que je vous dois.

MARCEL, bas.

Imbécile ! si je ne m’en mêle pas… (Haut.) Me voici.