Page:Sand - Adriani.djvu/164

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froi de l’abandon. Il se pencha vers moi pour m’embrasser : je fermai les yeux pour retenir mes larmes, je feignis de dormir ; je ne lui rendis pas sa dernière caresse. On me l’a rapporté sanglant et déchiré, mort ! mort sans que je lui aie donné seulement l’adieu de chaque matin ! mort sans que j’aie pu lui pardonner le soir, dans un sourire, les angoisses journalières de mon faible cœur ! mort le jour même où, pour la première fois, mon âme jalouse exhalait ce cri impie : « Il ne m’aime pas ! » Ah ! c’est là ce qui l’a tué ! Le doute est une malédiction, et la malédiction de l’amour ouvre l’abîme des fatales destinées.

» L’infortuné ! Ce n’était pas lui qui n’aimait pas, puisque sa conscience était si tranquille. C’est moi, je vous l’ai dit, je vous le répète, qui ai mal aimé !

» Vous le voyez, ma vie est un remords plus encore qu’un regret, et j’ai si mal profité de mon bonheur, je l’ai tellement empoisonné par mes muettes exigences, que ce n’est pas le passé que je pleure, c’est l’avenir, que j’aurais pu consacrer à la tranquille félicité d’Octave, et dont je lui avais déjà gâté les prémices.

» Je ne mérite donc pas d’être consolée ; je ne le serais peut-être pas. Je subis, dans l’horreur de ma solitude, une expiation inévitable. Elle n’a pas duré assez longtemps ; je ne suis point encore pardonnée, puisque le bienfait de l’amour qui s’offre à moi, au lieu de