Page:Sand - Adriani.djvu/165

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me faire tressaillir de joie, me fait reculer d’épouvante.

» Dans la première jeunesse, on croit pouvoir donner autant qu’on reçoit ; on ne s’inquiète pas du peu que l’on est et du peu que l’on vaut. Quand on est vieilli et flétri comme moi par un châtiment céleste, on frémit à l’idée de faire souffrir ce qu’on a souffert. Plus grand et meilleur que moi, vous souffririez encore davantage. Plus attentif et plus réfléchi qu’Octave, vous vous désabuseriez de moi, et, enchaîné peut-être par la générosité, par le respect de vous-même, vous seriez le plus à plaindre de nous deux.

» Tenez, le divin amour n’est fait que pour les belles âmes. La mienne n’est pas un sanctuaire digne de le recevoir. Adieu, adieu ! ne voyez dans ma fuite qu’un hommage rendu à la grandeur de votre caractère et à la noblesse de votre affection.

» Laure. »


Le vieux paysan qui combattait faiblement les envahissements de l’ortie et du liseron dans le jardin du Temple, remit cette lettre à Adriani au moment où il se levait, désespéré, pour fuir à jamais la maison abandonnée. Avant de lire, Adriani interrogea le bonhomme ; le message lui avait été remis, sans aucune explication, par madame de Monteluz elle-même, au moment où elle l’avait renvoyé du plus prochain relais de poste. C’est