Page:Sand - Antonia.djvu/156

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pas dit que l’avenir de ma mère et le mien dépendaient de l’encouragement donné par madame d’Estrelle à vos prétentions matrimoniales ? Voilà pourquoi j’ai saisi avec empressement le prétexte que vous me donniez pour me présenter chez elle, espérant que l’étrangeté de votre lettre la déciderait à me recevoir, C’est ce que vous n’aviez pas prévu.

— Si fait, mordieu ! s’écria M. Antoine ; je m’étais fort bien dit que la chose arriverait si…

— Si quoi, monsieur ?

— Si j’avais deviné juste. Je m’entends.

— Mais, moi, je n’entends pas.

— Ça m’est fort égal.

— Pardonnez-moi, vous souhaitez que je devine. Vous avez pensé que j’étais assez fou, assez sot, assez impertinent pour aspirer à l’attention de cette dame ?

— Et, à présent, j’en suis sûr ! Tu lui as déclaré tes sentiments, et je vois ton air de triomphe. En même temps, tu te frottes les mains de m’avoir éconduit ! Tu vas conter ça à ta chère mère ! Tu vas lui dire : « Il la gobe, le richard ! Il s’est imaginé, en nous jetant un morceau de pain et en prenant une jeune femme, nous railler et nous déshériter ! Eh bien, il n’a réussi qu’à se couvrir de honte. Il vieillira seul, il mourra garçon, et, malgré lui, nous serons riches… »

— Vous vous trompez, monsieur, reprit Julien parfaitement maître de lui-même. Je n’ai pas fait cet ignoble calcul, et je ne le ferai jamais. Vous vous marierez demain, si bon vous semble, et vous épou-