Page:Sand - Cadio.djvu/126

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— C’est des paysans patriotes qui ont demandé à s’en charger.

— Diables de paysans ! aussi enragés les uns que les autres !

— Dame ! les brigands coupent par morceaux les femmes et les enfants de ceux qui ne veulent pas s’insurger. Tout ça, c’est des dettes qu’ils se payent entre eux !

— Qu’est-ce qui passe là avec Chaillac ? Un beau jeune homme !

— Un lieutenant de hussards ? C’est peut-être le jeune Sauvières.

— Oui, c’est lui. On me l’a montré tantôt. Un rude troupier, à ce qu’il paraît !

— Eh bien, et son oncle qui commande une colonne de brigands ? comment ça s’arrange-t-il ?

— Ça ne s’arrange pas.

DEUX AVOCATS, officiers de volontaires. Horrible guerre ! voilà du sang français qui coule sur le pavé.

— Cela vient de derrière l’église, oui ! un ruisseau de sang froidement répandu ! Voe victis !

— Vous n’êtes pas navré de ces vengeances personnelles ?…

— Si fait, mais ne parlez pas si haut. Il ne faudrait qu’un mot pour nous envoyer derrière l’église aussi, nous autres ! Regardez ces figures pâles, ces yeux ardents… C’étaient des gens paisibles naguère, une population douce, économe, honnête et laborieuse. À présent, tous sont ivres, ils ont perdu la conscience du droit et le sens de la logique… Prêts à pleurer de tendresse ou à égorger sans savoir pourquoi… Très-bons au fond, qui le croirait ? Très-enfants, aisément héroïques… mais exaltés ou abrutis par des émotions trop