Page:Sand - Cadio.djvu/22

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ROXANE. Les émigrés, par conséquent ?… Eh bien, alors… Mais non, mais non ! Il fait semblant ! c’est très-adroit de sa part !…

LE COMTE, qui lit avec Louise. Il est officier.

LOUISE. Et il en est fier.

ROXANE. Il en est humilié, au contraire. Il faut prendre le contre-pied de tout ce qu’il dit. Il est très-fin, il est plein d’esprit, ce garçon-là !

LOUISE, lui donnant la lettre. Ma tante…, prenons-en notre parti, et ne nous faisons plus d’illusions : Henri nous abandonne… Cela ne m’étonne pas autant que vous. Il a toujours eu le caractère léger.

MARIE. Léger ?… Mais non, chère Louise !

ROXANE, lisant. Ah ! grand Dieu ! comme il traite nos amis les étrangers ! il est donc fou ?… et quel ton ! « Nous leur avons flanqué une frottée ! » Frottée ! ça y est ! C’est donc un soudard, à présent ? un enfant si bien élevé ! « J’espère que ma tante Roxane sera fière de moi… » Compte là-dessus, vaurien ! « Et que, pour fêter mon épaulette, elle mettra sa plus belle robe, sans oublier d’ajouter aux roses de son teint… » (jetant la lettre.) Polisson !

LOUISE, ramassant la lettre. Consolez-vous, ma tante, je ne suis guère mieux traitée. (Lisant.) « Je compte aussi que ma petite Louise se redressera de toute sa hauteur, et qu’elle attachera un nœud d’argent aux cheveux de sa poupée ! » Il me fait l’honneur de croire que je joue encore à la poupée, c’est flatteur !

LE COMTE. Il oublie que deux ans se sont déjà écoulés depuis son départ.

LOUISE. Il oublie les malheurs de notre parti, il ne se dit pas que, chez nous, il n’y a plus d’enfants !