Page:Sand - Cadio.djvu/223

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des larmes est passé ; la source doit être tarie. Il s’agit de vouloir, à présent !

LOUISE. Vous êtes cruel si vous méprisez mes pleurs. Laissez-les couler une dernière fois, peut-être aurai-je du courage après.

SAINT-GUELTAS, l’entourant de ses bras. Eh bien, oui, pleure, chère créature désolée ! pleure et pardonne-moi ma rudesse ; mais songe que te voilà sous ma protection. Oui, je sais combien tu as souffert ! Comment as-tu surmonté tant de fatigues, de terreurs et de déchirements ? Te voilà comme une pauvre fleur roulée dans le gravier du rivage ; mais c’est le rivage, Louise ! et mon sein où tu te réfugies est le port où la tempête ne te reprendra plus. Voyons ! que crains-tu ? ne repousse pas mon étreinte. Il me semble que je retrouve mon propre cœur arraché de ma poitrine en te sentant là ! Ma sœur, mon héroïne, ma fille, ma souveraine, ma maîtresse, ma femme ! oui ! oui, tu es pour moi tout cela, et je veux te tenir lieu de tout. Crois-le enfin, et dis-moi que tu le veux aussi, ou la force d’âme qui m’a fait survivre à nos désastres m’abandonne pour jamais !

LOUISE, se dégageant de ses bras. Écoutez-moi ! Vous me l’avez dit souvent, le temps n’est plus où l’amour voilé pouvait longtemps remplir le cœur d’une jeune fille sans se révéler clairement à elle-même. Vous aviez raison, je le sentais bien, moi qui n’ai pas su vous cacher l’ascendant que vous excerciez sur moi : j’ai été sincère avec vous. Je vous ai dit aussi l’effroi que vous m’inspiriez. Je ne vous ai pas caché qu’en retrouvant Henri à Sauvières j’avais fait un effort désespéré pour le rattacher à ma vie. Je ne l’aimais pas, je ne l’ai jamais aimé, et pourtant, s’il fût revenu