Page:Sand - Cadio.djvu/371

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RABOISSON. Il ne faut pas même l’essayer. On ne t’a pas encore vu ici : il faut, pour te soustraire à des affronts qui te conduiraient peut-être au suicide, partir cette nuit. Tu ne sais pas à quel point sont honnis et repoussés ceux que d’Hervilly protégeait hier, et qui sont entraînés dans sa défaite aujourd’hui !

SAINT-GUELTAS. Je ne partirai pas ! je repousserai tous les outrages, je démasquerai toutes les intrigues, je déjouerai toutes les calomnies. Ah ! devant l’insolence de mes ennemis, je sens renaître mon courage ! Si on refuse de me rendre justice et de me donner réparation, je braverai ici le sort des combats. Je n’irai pas me cacher encore dans les genêts pour attaquer l’ennemi par derrière et faire dire que je ne connais que la guerre des brigands et les audaces de l’embuscade. Chef de partisans à perpétuité, moi ? c’est là ce qu’on veut et à quoi on me condamne ? Non, je ne le suis plus, je ne veux plus l’être ! Ce rôle est bon pour l’initiative, il devient abject quand il se prolonge. J’en ai assez ! j’en suis dégoûté, repu, je l’ai en horreur ! On veut que je rentre dans l’ombre des bois pour que le monde ignore les prodiges que j’y accomplirais, et pour que l’on dise à la cour que je me cache ! La fin de ces destins-là est atroce, on est assassiné par les siens ou livré à une patrouille ennemie qui vous fusille au pied d’un arbre sans vous connaître, sans vous accorder la mise en relief du procès politique et la haute tragédie de l’échafaud. On disparaît comme on a vécu, ignoré ou méconnu ; on n’a pas même une tombe, et c’est tout au plus si le bûcheron de la forêt ose révéler à vos amis au pied de quel chêne il vous a enseveli sous les ronces !

RABOISSON. Je t’ai averti, tu feras ce que tu voudras.