Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/139

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pour mon neveu, et qui, dans mes prévisions, n’avait jamais abouti à une maîtresse et à un fils naturel.

L’enfant était si beau et le baiser de l’enfance est si puissant que je pris le petit Pierre sur mes genoux dès que je fus entrée et le tins serré contre mon cœur sans pouvoir dire un mot. Marguerite était à mes pieds et sanglotait.

— Embrasse-la donc aussi ! me dit Paul ; si elle ne le méritait pas, je ne t’aurais pas attirée ici.

J’embrassai Marguerite et je la contemplai. Paul m’avait dit vrai ; elle était plus belle dans sa petite tenue de grisette modeste que Césarine dans tout l’éclat de ses diamants. Les malheurs de sa vie avaient donné à sa figure et à sa taille parfaites une expression pénétrante et une langueur d’attitudes qui intéressaient à elle au premier regard, et qui à chaque instant touchaient davantage. Je m’étonnai qu’elle n’eût pas inspiré à Paul une passion plus vive que l’amitié ; peu à peu je crus en découvrir la cause : Marguerite était une vraie fille du peuple, avec les qualités et les défauts qui signalent une éducation rustique. Elle passait de l’extrême timidité à une confiance trop expansive ; elle n’était pas de ces natures exceptionnelles que le contact d’un esprit élevé transforme rapidement ; elle parlait comme elle avait toujours parlé ; elle n’avait pas la gentillesse intelligente de l’ouvrière parisienne ; elle était contemplative plutôt que réfléchie, et, si elle avait des moments où l’émotion lui faisait trouver l’expression frappante et imagée, la plupart du temps