Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/91

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un cuistre. C’est ici que se place dans ma vie une faute énorme, produite par un instant de petitesse d’esprit.

On préparait une grande fête pour le vingt et unième anniversaire de Césarine. Ce jour-là, dès le matin, son père, outre la pleine possession de son héritage maternel, lui constituait un revenu pris sur ses biens propres, et la dotait pour ainsi dire, bien qu’elle ne voulût point encore faire choix d’un mari. Elle avait montré une telle aversion pour la dépendance dans les détails matériels de la vie, jusqu’à se priver souvent de ce qu’elle désirait plutôt que d’avoir à le demander, que M. Dietrich avait rompu de son propre mouvement ce dernier lien de soumission filiale. Césarine en était donc venue à ses fins, qui étaient de l’enchaîner et de lui faire aimer sa chaîne. Il était désormais, ce père prévenu, ce raisonneur rigide, le plus fervent, le plus empressé de ses sujets.

Elle accepta ses dons avec sa grâce accoutumée. Elle n’était pas cupide, elle traitait l’argent comme un agent aveugle qu’on brutalise parce qu’il n’obéit jamais assez vite. Elle fut plus sensible à un magnifique écrin qu’aux titres qui l’accompagnaient. Elle fit cent projets de plaisir prochain, d’indépendance immédiate, pas un seul de mariage et d’avenir. M. Dietrich se trouvait si bien du bonheur qu’il lui donnait qu’il ne désirait plus la voir mariée.

Le soir, il y eut grand bal, et Paul consentit à y paraître. J’obtins de lui ce sacrifice en lui disant qu’on imputait à quelque secret mécontentement de