Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/14

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Le chemin montait, montait. La chaleur était accablante. La voiture, découverte et basse, allait au pas, au pas le plus lent que puissent emboîter deux vieux chevaux dont le cocher est profondément endormi sur son siége. La nourrice, voyant que la dame de Valangis dormait aussi, abrita bien sous son voile de mousseline blanche la tranquille Lucienne, qui s’était assoupie la première, et résolut sans doute de bien veiller sur ce cher trésor ; mais il faisait si chaud et l’on allait si lentement, que, quand on eut gagné le haut de la côte, et que d’eux-mêmes les chevaux se mirent à trotter en sentant le fumet de leur écurie, tout le monde s’éveilla. Le cocher fouetta ses bêtes pour prouver sa vigilance, madame de Valangis jeta un paisible et bienveillant regard sur le voile qui protégeait sa petite-fille ; mais la nourrice, ne sentant plus rien sous ce voile, rien dans ses bras, rien sur ses genoux, se redressa d’un air effaré et resta sans voix, les yeux hagards, demi-morte et demi-folle : l’enfant avait disparu.

Elle ne cria pas, elle ne put dire un mot, elle s’élança sur le chemin, elle tomba, elle resta évanouie. Le cocher arrêta, et, comprenant vaguement que l’enfant avait dû glisser des bras de la nourrice sur le chemin, il n’attendit pas l’ordre de sa patronne éperdue pour retourner sur ses pas