y avait quelque chose de si austère dans Jennie, qu’elle m’inspirait les premiers troubles de la pudeur. Dès qu’elle comprit ce que je lui demandais, elle me regarda un peu sévèrement.
— Qui donc a pu vous raconter cela ? dit-elle. Il n’en a jamais été question qu’entre trois personnes, votre grand’mère, Frumence et moi.
Je n’essayai pas de mentir avec elle ; je lui racontai ce que m’avait dit Marius.
— M. Marius aurait dû garder cela pour lui, reprit-elle. Le moment n’est pas venu pour vous de vous tourmenter de l’avenir des autres. Vous aurez bien assez à faire quand il s’agira de vous-même.
— Et quand s’agira-t-il de moi-même ?
— Quand vous en aurez la volonté. Est-ce que vous l’avez déjà ?
— Non, ma Jennie, je n’ai pas de volonté, je n’ai que de l’incertitude ; je voudrais savoir s’il faut aimer beaucoup son mari.
— Oui, certes, il faut l’aimer plus que tout au monde quand il le mérite, et, s’il ne le mérite pas, il faut passer sa vie à cacher ses torts et ses fautes. C’est très-pénible : voilà pourquoi il faut avoir un mari estimable que l’on puisse aimer, et ne pas se marier sans savoir ce qu’on fait.
— Tu as été mariée très-jeune, Jennie ?