Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/311

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pour vous ; n’y pensez donc pas et allez prendre l’air, il le faut.

Je montai à cheval, et, suivie de Michel, j’arrivai aux Pommets. Je n’y trouvai que l’abbé Costel pour me faire les honneurs de cette tombe que j’allais vénérer. C’était encore l’ouvrage de Frumence. Il avait choisi une belle pierre, cette pierre du pays qui a la blancheur et la finesse de grain du marbre. Il l’avait fait tailler sur mes dessins et il avait gravé lui-même l’inscription et les ornements. Je déposai là le bouquet que Jennie m’avait confié, et, malgré ma résolution de n’y pas pleurer, j’eus une grande lutte à soutenir contre moi-même en songeant à celle qui était là et qui ne pouvait plus me protéger.

J’allais remonter à cheval quand je vis arriver Frumence avec un personnage inconnu, un homme d’une quarantaine d’années, de moyenne taille, d’une figure plutôt distinguée que régulière, mais pleine d’intelligence et de douceur. Il avait beaucoup d’aisance dans les manières, et sa tenue simple, mais soignée, annonçait un homme appartenant à la plus moderne civilisation.

En m’abordant et en me le présentant, Frumence avait pourtant l’air inquiet, et je ne sais quelle tristesse grave répandue sur sa noble figure sembla m’annoncer que le moment des épreuves était venu.