Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/67

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— Est-ce vrai, mademoiselle Lucienne ? reprit Frumence avec une expression de franchise et de cordialité irrésistible.

Je répondis que c’était vrai ; mais, en même temps, deux grosses larmes s’échappèrent de mes yeux. J’étais partagée apparemment entre l’estime sympathique que méritait Frumence et le dégoût que m’inspirait sa misère. Mon émotion ne fut pas comprise, ou bien il plut à ma bonne maman de l’attribuer à un sentiment généreux sans mélange.

— C’est bien, ma fille, me dit-elle, vous êtes sage ; embrassez-moi.

— Est-ce que vous voulez me donner une poignée de main, à moi ? dit Frumence vivement attendri.

Il fallut bien lui tendre ma petite main, dont je prenais le plus grand soin depuis que j’avais entendu Marius professer le plus profond mépris pour les ongles noirs ; mais ce fut avec une sensation d’horreur que je vis Frumence porter ma main à ses lèvres, et je faillis m’évanouir. Ma grand’mère vit le combat intérieur que je me livrais, et elle m’envoya avec le curé rejoindre mon cousin.

Ce qu’elle dit à Frumence, qui dès lors acceptait avec enthousiasme la fonction de précepteur, je l’ai su depuis par lui-même. Elle lui dit que j’avais les nerfs très-délicats, et qu’il fallait ôter tout pré-