Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/80

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j’apprenais très-bien mes leçons, et tout le monde était enchanté de moi, — j’avais obtenu de ma grand’mère, comme récompense de mon édifiante conduite, d’aller voir le Régas avec Frumence, Marius et Denise. Le Régas, ou régage, ou ragage, ou ragas, car ce nom générique s’applique, avec toute sorte de variations patoises, à tous les abîmes de nos montagnes, est un puits naturel, où, à une profondeur effrayante, dort une eau muette que l’œil peut à peine saisir. L’ouverture de ce puits est une grande fente verticale, tordue et béante au flanc du rocher à pic, et dans l’échancrure de laquelle pousse un beau pistachier, le seul de cette région, jeté avec grâce sur cette chose grandiose et désolée. La terrasse qui sert comme de palier à cette porte de l’abîme est une sorte d’impasse qui se présente comme le dernier gradin accessible au pied d’une dernière cime, et qui forme un jardin sauvage rempli d’arbres et de fleurs au milieu de roches éparses et de formidables débris.

Pour arriver là du lit de la Dardenne, il faut gravir à pic pendant une demi-heure. Marius, n’en pouvant plus, se jeta sur l’herbe après avoir déclaré toutes choses affreuses dans cet abominable endroit, et il s’endormit profondément. Je ne me sentais point lasse, et je trouvais l’endroit fort à mon gré sans oser le dire. Le grandiose par-