Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/81

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lait à mon imagination. La Méditerranée, vue de là, se dressait au loin, comme une muraille d’azur, entre les déchirures bizarres des cimes du premier plan. Les autres cimes échelonnées jusqu’à celle qui nous enfermait étaient blanches comme la neige ; les pins tordus et déjetés qui grimpaient sur leurs lianes, les aloès qui remplissaient leurs crevasses, paraissaient noirs comme de l’encre. Les sommets tourmentés de l’arête que nous venions de franchir nous cachaient le fond de la vallée. C’était ardent et austère. Je m’y sentis exaltée et recueillie en même temps, et j’eus un effort à faire pour écouter les explications que nous donnait Frumence sur le phénomène du Régas. Il nous montra le lit desséché du torrent qui s’échappe de cette énorme bouche verticale quand les pluies ont rempli le gouffre.

— Ceci ne se présente qu’une ou deux fois par an, nous dit-il, quand il a plu sans interruption pendant deux ou trois jours. Vous voyez cependant que la pluie ne peut guère pénétrer par ici dans cette caverne ; mais elle s’y insinue par toutes les fissures de la cime ou par des affluents cachés dans l’intérieur du massif. Elle s’y amasse comme dans un siphon ; puis, quand le trop-plein est établi, elle s’échappe avec fureur, et va de chute en chute grossir le lit de la Dardenne, dont elle est