Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vue quand Frumence n’était pas là. Denise sans moi était comme une âme en peine. Il semblait qu’elle fût aux arrêts dans la maison. Elle pleurait du matin au soir. On lui avait défendu aussi de paraître aux leçons, et Frumence l’évitait avec un soin extrême. Je me glissais dans sa chambre pour la consoler, et elle me paraissait tout à fait guérie.

Au bout de quelques semaines, elle était très-résignée et très-douce. Le médecin trouva que le régime auquel il l’avait soumise lui avait fait grand bien. On se rassura donc sur son compte, et on mit le tout sur celui du soleil de mai, qui pendant quelques jours lui avait porté à la tête.

Un matin, ma grand’mère fit mettre les chevaux à sa grande calèche, et résolut de rendre ses visites bisannuelles à ses amis de Toulon, La grande calèche — on l’appelait toujours ainsi — était la même où j’avais été enlevée ; mais c’était la même à la façon du couteau de Janot, dont on a renouvelé mainte fois le manche et la lame. De réparations en modifications, cette calèche était devenue un char à bancs complètement découvert qui tenait six personnes. Marius monta sur le siége de devant avec le domestique et Frumence, qui avait affaire à la ville. Ma grand’mère et Denise s’assirent sur le siége de derrière, moi entre elles deux.