Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/20

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ils ne faisaient rien et paraissaient avoir toujours de l’argent pour le régaler. Ce n’est pas qu’il aimât la débauche ; il avait une petite santé et ne supportait pas les excès ; mais il aimait à causer, et une pointe d’eau-de-vie lui en fournissait pour une journée. Tout cela, c’était du temps perdu, et il m’écouta quand je l’engageai à quitter la ville.

« Comme nous étions en voyage pour Morlaix, où nous devions racheter d’autres denrées, il me dit tout d’un coup qu’il avait assez du petit commerce et qu’il voulait essayer d’autre chose, sans pouvoir expliquer son idée. Il parlait beaucoup sans rien dire et paraissait avoir la tête montée au point qu’il me fit peur, car il n’était pas ivre et semblait bien plutôt en train de devenir fou.

« Je réussis à le calmer, et, à Morlaix, il me laissa remonter notre boutique ambulante ; mais, comme nous commencions à nous refaire, il me quitta, disant qu’il avait rendez-vous à Lorient pour huit jours et qu’il voulait étudier une affaire où je ne ferais que le gêner, car je n’y comprendrais rien. Il fallait vouloir ce qu’il voulait, car, s’il n’était pas méchant, il était obstiné. J’en eus du chagrin, je lui étais attachée malgré ses défauts, et d’ailleurs on doit ne pas trop regarder à ceux de son mari. Je ne me méfiais que de sa mauvaise tête, mais il emportait peu d’argent, et je devais