continuer avec ou sans lui à en gagner pour élever ma petite Louise sans trop de misère.
« Anseaume resta trois mois absent, et je commençais à m’en tourmenter bien fort, quand il revint me trouver à Nantes. Il n’avait rien gagné, et il n’en était pas plus triste. Il disait avoir vu du pays et savoir plus d’un moyen de s’enrichir. Je ne pus jamais avoir d’explication raisonnable là-dessus. Il me craignait, disant que j’étais trop scrupuleuse et que je ne connaissais que le métier d’un cheval de pressoir qui tourne la roue sans regarder d’où vient le cidre. Il patienta quelque temps, et s’ennuya encore, et parut encore prêt à devenir fou.
« — Laisse-moi voyager au loin, disait-il. J’irai en Angleterre, en Amérique, et tu n’entendras jamais parler de moi, ou je rapporterai des millions.
« Il n’y avait plus moyen de lui parler de faire une petite fortune pour aller vivre tranquilles dans un coin avec notre enfant. Je vis bien que sa pauvre tête était perdue et que ma fille ne devait plus compter que sur moi. Je refusai de le suivre à Paris, où il voulait aller, et un matin il disparut pour revenir deux mois plus tard avec beaucoup de belles marchandises qu’il disait rapporter de Lyon. Jamais il ne put me dire avec quel argent il