Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

j’étais heureuse pour la première fois de ma vie.

« Je reçus un jour une lettre d’Anseaume datée de Bordeaux. Il m’annonçait son départ pour l’Amérique, me recommandait d’avoir bien soin de notre petite, et m’envoyait cent louis. J’eus peur de les prendre, et pourtant je les pris, me disant que, s’ils ne venaient pas de bonne source, j’étais bonne, moi, pour les rendre à qui me les réclamerait avec de vraies raisons. Et puis je ne pouvais pas me dire autorisée à suspecter la bonne foi de mon mari, mon devoir me le défendait ; je n’avais pas de preuves, et je peux jurer encore aujourd’hui qu’excepté l’affaire de l’enfant, je ne sais positivement rien de mal sur son compte. Un temps viendra malheureusement où je serai forcée de mettre sur la voie des recherches, et où sa mémoire sera peut-être entachée. Je retarderai ce jour-là autant que je le pourrai, et, s’il n’arrive pas, j’en rendrai grâce à Dieu.

« Me voyant de l’argent avec celui que j’avais gagné, et ne devant plus compte de mes affaires à un mari qui m’abandonnait à ma propre gouverne, je pris le parti d’aller vivre en paix avec Louise dans mon pays pendant un an ou deux. L’enfant avait besoin d’une mère, et elle n’était pas encore assez forte pour me suivre dans ma vie de voyage et de travail. Je débarquai à la côte d’Ouessant,