Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/62

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— Comment l’aurait-on su ? C’était un secret entre nous jusqu’à présent, puisque la lettre destinée à mon père n’a pas été envoyée.

— Ah ! voilà ! Il y a quelqu’un dans le pays qui épie, qui rapporte, qui arrange peut-être tout ce qui se fait ici. Cela se voyait bien dans les lettres de votre père à madame, et madame s’en tourmentait. M. Barthez, qui a toutes les lettres, en sait peut-être plus long là-dessus qu’il ne veut encore nous le dire.

— Tu as raison. Il faut que quelqu’un ait écrit là-bas du mal de moi, et peut-être qu’on me juge indigne de porter le nom qu’on porte soi-même !

— Il ne faut pas croire cela, dit Jennie. Quel mal peut-on dire de vous ?

Jennie était optimiste ; c’était le sublime défaut de cette généreuse nature si éprouvée et toujours si sereine. Elle réussit à me distraire de mon inquiétude et à me faire participer au calme étonnant qui résidait en elle. Ce calme semblait augmenter aux heures de crise, et, si elle avait des élans d’enthousiasme ou d’indignation, c’était pour se remettre à l’œuvre, l’instant d’après, dans sa voie de patience et d’activité.

— Mais que penses-tu de Marius ? dis-je en souriant, à Jennie, pendant qu’elle me coiffait pour la nuit.