Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/74

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ment les branches sans saisir les épines, — et mes vêtements n’avaient rien qui pût dissimuler l’austérité de mon deuil.

L’air ému et un peu ravi avec lequel M. Mac-Allan me contemplait me parut étrange et suspect. Selon moi, il ne pouvait pas m’admirer tant que cela. Était-ce un homme à succès ou à prétentions, qui essayait de me faire la cour, ou un observateur malicieux qui voulait connaître, en stimulant ma vanité féminine, le défaut de ma cuirasse ?

Il vit qu’à mon tour je l’observais, et, se prenant à sourire, ce qui dissimulait le défaut de sa lèvre et découvrait ses dents blanches :

— Ne me regardez pas avec cet air de méfiance, me dit-il. Vous avez quelquefois des yeux terribles dont on aurait peur, si on ne tenait compte de la pureté de vos sourcils et de l’ombre douce de vos paupières. Voyons ! ce ne sont pas là des madrigaux français ; vous savez bien que vous êtes ce que vous êtes, et c’est la millième fois que vous voyez un passant rendre hommage à votre beauté.

— Monsieur Mac-Allan, lui répondis-je, je n’entends pas les réflexions des passants, je n’affronte pas leurs regards, et il n’est personne de ma famille, de mon entourage ou de mon intimité qui m’ait jamais dit que je fusse belle.