Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 2.djvu/90

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Au bout d’une heure, Frumence nous rejoignit seul.

— Et l’avocat ? lui demanda Jennie.

— Il est parti sans vouloir prendre congé.

— Est-ce qu’il croit que je le boude ? demandai-je.

— Je ne sais ; il est fort ému.

— Pourquoi ? Que pensez-vous de lui ?

— Je pense qu’il est ivre.

— Il n’a presque bu que de l’eau ! s’écria Jennie, et les Anglais supportent tant de vin !

— Si vous êtes sûre qu’il a été sobre, — j’avoue n’y avoir pas fait attention, — je ne sais que vous dire de lui. C’est une ivresse morale qu’il éprouve sans doute, mais je vous jure qu’il n’est pas dans son bon sens. Il en a eu conscience, car il s’est sauvé moitié riant, moitié pleurant, disant qu’il ne voulait pas se montrer aux dames sous le coup d’une névralgie très-douloureuse.

— Pensez-vous que ce soit une comédie, Frumence ?

— Non, c’est l’effet d’un climat auquel il n’est pas si habitué qu’il le prétend. Quand ces gens du Nord veulent tâter notre soleil, ils sont aisément mordus.

Je vis, à l’air pensif de Jennie, qu’elle voulait interroger Frumence en particulier, et sans affectation je les laissai ensemble.