Page:Sand - Constance Verrier.djvu/137

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pensée était toute sa jeunesse, toute sa poésie, toute la flamme et toute la lumière de son humble et rigide existence. Il ne connaissait que moi en fait de femmes, il n’avait jamais regardé une autre que moi, même pour comparer ; c’est moi qui étais belle pour lui, il ne pouvait pas en exister une autre. « Et il n’avait jamais espéré, jusqu’au jour où mon père l’avait surpris ramassant un de mes gants déchiré, que j’avais jeté hors de ma chambre. Abel avait été glacé de crainte, il lui avait juré que jamais il ne m’avait laissé deviner sa folie ; et mon père lui avait répondu : — Je le sais bien, mais pourquoi serait-ce une folie ? Travaille, sois pur, bon et fort, rends-toi digne d’elle et de moi.




XI


« Il y avait de cela deux ans, et depuis deux ans, Abel essayait d’espérer. Mais le calme de ma figure et l’abandon de mes manières ne le rassuraient pas. Il croyait ne pouvoir jamais prétendre qu’à mon amitié. Il était jaloux sans objet, car il ne venait chez nous que des hommes mariés ou des enfants. Mais si je m’intéressais à un personnage célèbre, si je regardais un portrait, même celui de quelque mort illustre, il était désespéré, se croyant laid ou vulgaire. »

— Et je suis sûre qu’il est beau comme un ange !