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consuelo.

gner et redescendre, et bientôt elle l’entendit demander quel était ce beau château qu’on voyait sur l’autre rive.

« C’est Riesenburg, comme qui dirait il castello dei giganti », répondit le guide ; car c’en était un de profession.

Et Consuelo commençait à le voir au bas de la colline, à pied et conduisant par la bride deux chevaux couverts de sueur. Le mauvais état du chemin, dévasté récemment par le torrent, avait forcé les cavaliers de mettre pied à terre. Le voyageur suivait à quelque distance, et enfin Consuelo put l’apercevoir en se penchant sur le rocher qui la protégeait. Il lui tournait le dos, et portait un costume de voyage qui changeait sa tournure et jusqu’à sa démarche. Si elle n’eût entendu sa voix, elle eût crû que ce n’était pas lui. Mais il s’arrêta pour regarder le château, et, ôtant son large chapeau, il s’essuya le visage avec son mouchoir. Quoiqu’elle ne le vît qu’en plongeant d’en haut sur sa tête, elle reconnut cette abondante chevelure dorée et bouclée, et le mouvement qu’il avait coutume de faire avec la main pour en soulever le poids sur son front et sur sa nuque lorsqu’il avait chaud.

« Ce château a l’air très-respectable, dit-il ; et si j’en avais le temps, j’aurais envie d’aller demander à déjeuner aux géants qui l’habitent.

— Oh ! n’y essayez pas, répondit le guide en secouant la tête. Les Rudolstadt ne reçoivent que les mendiants ou les parents.

— Pas plus hospitaliers que cela ? Le diable les emporte !

— Écoutez donc ! c’est qu’ils ont quelque chose à cacher.

— Un trésor, ou un crime ?

— Oh ! rien ; c’est leur fils qui est fou.

— Le diable l’emporte aussi, en ce cas ! Il leur rendra service. »