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consuelo.

avant de vous connaître, répondit Albert en laissant voir la plus douloureuse émotion. Si c’est un sacrilège, comme je l’ai commis dans un jour de délire et avec l’intention de remplir un devoir sacré, Dieu me le pardonnera. Je vous dirai plus tard quelle âme habita le corps qui repose ici. Maintenant vous êtes trop émue, et vous avez besoin de vous retrouver au grand air. Venez, Consuelo, sortons de ce lieu où vous m’avez fait dans un instant le plus heureux et le plus malheureux des hommes.

— Oh ! oui, s’écria-t-elle, sortons d’ici ! Je ne sais quelles vapeurs s’exhalent du sein de la terre ; mais je me sens mourir, et ma raison m’abandonne. »

Ils sortirent ensemble, sans se dire un mot de plus. Albert marchait devant, en s’arrêtant et en baissant sa torche à chaque pierre, pour que sa compagne pût la voir et l’éviter. Lorsqu’il voulut ouvrir la porte de la cellule, un souvenir en apparence éloigné de la disposition d’esprit où elle se trouvait, mais qui s’y rattachait par une préoccupation d’artiste, se réveilla chez Consuelo.

« Albert, dit-elle, vous avez oublié votre violon auprès de la source. Cet admirable instrument qui m’a causé des émotions inconnues jusqu’à ce jour, je ne saurais consentir à le savoir abandonné à une destruction certaine dans cet endroit humide. »

Albert fit un mouvement qui signifiait le peu de prix qu’il attachait désormais à tout ce qui n’était pas Consuelo. Mais elle insista :

« Il m’a fait bien du mal, lui dit-elle, et pourtant…

— S’il ne vous a fait que du mal, laissez-le se détruire, répondit-il avec amertume ; je n’y veux plus toucher de ma vie. Ah ! il me tarde qu’il soit anéanti.

— Je mentirais si je disais cela, reprit Consuelo, rendue à un sentiment de respect pour le génie musical du comte. L’émotion a dépassé mes forces, voilà tout ; et