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consuelo.

le ravissement s’est changé en agonie. Allez le chercher, mon ami ; je veux moi-même le remettre avec soin dans sa boîte, en attendant que j’aie le courage de l’en tirer pour le replacer dans vos mains, et l’écouter encore. »

Consuelo fut attendrie par le regard de remerciement que lui adressa le comte en recevant cette espérance. Il rentra dans la grotte pour lui obéir ; et, restée seule quelques instants, elle se reprocha sa folle terreur et ses soupçons affreux. Elle se rappelait, en tremblant et en rougissant, ce mouvement de fièvre qui l’avait jetée dans ses bras ; mais elle ne pouvait se défendre d’admirer le respect modeste et la chaste timidité de cet homme qui l’adorait, et qui n’osait pas profiter d’une telle circonstance pour lui dire même un mot de son amour. La tristesse qu’elle voyait dans ses traits, et la langueur de sa démarche brisée, annonçaient assez qu’il n’avait conçu aucune espérance audacieuse, ni pour le présent, ni pour l’avenir. Elle lui sut gré d’une si grande délicatesse de cœur, et se promit d’adoucir par de plus douces paroles l’espèce d’adieux qu’ils allaient se faire en quittant le souterrain.

Mais le souvenir de Zdenko, comme une ombre vengeresse, devait la suivre jusqu’au bout, et accuser Albert en dépit d’elle-même. En s’approchant de la porte, ses yeux tombèrent sur une inscription en bohémien, dont, excepté un seul, elle comprit aisément tous les mots, puisqu’elle les savait par cœur. Une main, qui ne pouvait être que celle de Zdenko, avait tracé à la craie sur la porte noire et profonde : Que celui à qui on a fait tort te… Le dernier mot était inintelligible pour Consuelo ; et cette circonstance lui causa une vive inquiétude. Albert revint, serra son violon, sans qu’elle eût le courage ni même la pensée de l’aider, comme elle le lui avait promis. Elle retrouvait toute