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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/310

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consuelo.

Elle le plaignait de son malheur et s’en affligeait avec lui, tout en lui montrant, par un cri du cœur, sincère et profond, qu’elle en aimait un autre sans distraction et sans défaillance.

Ce fut la dernière folie de Joseph envers elle. Il prit son violon, et, le raclant avec force, il oublia cette nuit orageuse. Quand ils se remirent en route, il avait complètement abjuré un amour impossible, et les événements qui suivirent ne lui firent plus sentir que la force du dévouement et de l’amitié. Lorsque Consuelo voyait passer un nuage sur son front, et qu’elle tâchait de l’écarter par de douces paroles :

« Ne vous inquiétez pas de moi, lui répondait-il. Si je suis condamné à n’avoir pas d’amour pour ma femme, du moins j’aurai de l’amitié pour elle, et l’amitié peut consoler de l’amour, je le sens mieux que vous ne croyez ! »

LXIX.

Haydn n’eut jamais lieu de regretter ce voyage et les souffrances qu’il avait combattues ; car il y prit les meilleures leçons d’italien, et même les meilleures notions de musique qu’il eût encore eues dans sa vie. Durant les longues haltes qu’ils firent dans les beaux jours, sous les solitaires ombrages du Bœhmer-Wald, nos jeunes artistes se révélèrent l’un à l’autre tout ce qu’ils possédaient d’intelligence et de génie. Quoique Joseph Haydn eût une belle voix et sût en tirer grand parti comme choriste, quoiqu’il jouât agréablement du violon et de plusieurs instruments, il comprit bientôt, en écoutant chanter Consuelo, qu’elle lui était infiniment supérieure comme virtuose, et qu’elle eût pu faire de lui un chanteur habile sans l’aide du Porpora. Mais l’ambition et les