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consuelo.

facultés de Haydn ne se bornaient pas à cette branche de l’art ; et Consuelo, en le voyant si peu avancé dans la pratique, tandis qu’en théorie il exprimait des idées si élevées et si saines, lui dit un jour en souriant :

« Je ne sais pas si je fais bien de vous rattacher à l’étude du chant ; car si vous venez à vous passionner pour la profession de chanteur, vous sacrifierez peut-être de plus hautes facultés qui sont en vous. Voyons donc un peu vos compositions ! Malgré mes longues et sévères études de contre-point avec un aussi grand maître que le Porpora, ce que j’ai appris ne me sert qu’à bien comprendre les créations du génie, et je n’aurai plus le temps, quand même j’en aurais l’audace, de créer moi-même des œuvres de longue haleine ; au lieu que si vous avez le génie créateur, vous devez suivre cette route, et ne considérer le chant et l’étude des instruments que comme vos moyens matériels. »

Depuis que Haydn avait rencontré Consuelo, il est bien vrai qu’il ne songeait plus qu’à se faire chanteur. La suivre ou vivre auprès d’elle, la retrouver partout dans sa vie nomade, tel était son rêve ardent depuis quelques jours. Il fit donc difficulté de lui montrer son dernier manuscrit, quoiqu’il l’eût avec lui, et qu’il eût achevé de l’écrire en allant à Pilsen. Il craignait également et de lui sembler médiocre en ce genre, et de lui montrer un talent qui la porterait à combattre son envie de chanter. Il céda enfin, et, moitié de gré, moitié de force, se laissa arracher le cahier mystérieux. C’était une petite sonate pour piano, qu’il destinait à ses jeunes élèves. Consuelo commença par la lire des yeux, et Joseph s’émerveilla de la lui voir saisir aussi parfaitement par une simple lecture que si elle l’eût entendu exécuter. Ensuite elle lui fit essayer divers passages sur le violon, et chanta elle-même ceux qui étaient possibles