— Oui, Monseigneur.
— Veux-tu reprendre du service ?
— Oui, Monseigneur, pourvu que ce ne soit pas en Prusse.
— Va-t’en trouver Sa Majesté l’impératrice-reine : elle reçoit tout le monde un jour par semaine. Dis-lui que c’est le comte Hoditz qui lui fait présent d’un très beau grenadier, parfaitement dressé à la prussienne.
— J’y cours, Monseigneur.
— Et n’aie jamais le malheur de nommer M. le baron, ou je te fais prendre par mes gens, et je te renvoie en Prusse.
— J’aimerais mieux mourir tout de suite. Oh ! si les misérables m’avaient laissé l’usage des mains, je me serais tué quand ils m’ont repris.
— Décampe !
— Oui, Monseigneur. »
Il acheva d’avaler le contenu de la gourde, la rendit à Joseph, l’embrassa, sans savoir qu’il lui devait un service bien plus important, se prosterna devant le comte et le baron, et, sur un geste d’impatience de celui-ci qui lui coupa la parole, il fit un grand signe de croix, baisa la terre, et monta à cheval avec l’aide des domestiques, car il ne pouvait remuer les pieds ; mais à peine fut-il en selle, que, reprenant courage et vigueur, il piqua des deux et se mit à courir bride abattue sur la route du midi.
« Voilà qui achèvera de me perdre, si on découvre jamais que je vous ai laissé faire, dit le baron au comte. C’est égal, ajouta-t-il avec un grand éclat de rire ; l’idée de faire cadeau à Marie-Thérèse d’un grenadier de Frédéric est la plus charmante du monde. Ce drôle, qui a envoyé des balles aux houlans de l’impératrice, va en envoyer aux cadets du roi de Prusse ! Voilà des sujets bien fidèles, et des troupes bien choisies !