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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/52

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consuelo.

n’y mêliez des idées étranges, empreintes d’un esprit de fatalisme que je ne saurais partager. Dirai-je tout sans vous blesser et sans vous faire souffrir ?…

— Dites tout, Consuelo ; je sais d’avance ce que vous avez à me dire.

— Eh bien, je le dirai, car je me l’étais promis. Tous ceux qui vous aiment désespèrent de vous. Ils croient devoir respecter, c’est-à-dire ménager, ce qu’ils appellent votre démence ; ils craignent de vous exaspérer, en vous laissant voir qu’ils la connaissent, la plaignent, et la redoutent. Moi, je n’y crois pas, et je ne puis trembler en vous demandant pourquoi, étant si sage, vous avez parfois les dehors d’un insensé ; pourquoi, étant si bon, vous faites les actes de l’ingratitude et de l’orgueil ; pourquoi, étant si éclairé et si religieux, vous vous abandonnez aux rêveries d’un esprit malade et désespéré ; pourquoi, enfin, vous voilà seul, enseveli vivant dans un caveau lugubre, loin de votre famille qui vous cherche et vous pleure, loin de vos semblables que vous chérissez avec un zèle ardent, loin de moi, enfin, que vous appeliez, que vous dites aimer, et qui n’ai pu parvenir jusqu’à vous sans des miracles de volonté et une protection divine ?

— Vous me demandez le secret de ma vie, le mot de ma destinée, et vous le savez mieux que moi, Consuelo ! C’est de vous que j’attendais la révélation de mon être, et vous m’interrogez ! Oh ! je vous comprends ; vous voulez m’amener à une confession, à un repentir efficace, à une résolution victorieuse. Vous serez obéie. Mais ce n’est pas à l’instant même que je puis me connaître, me juger, et me transformer de la sorte. Donnez-moi quelques jours, quelques heures du moins, pour vous apprendre et pour m’apprendre à moi-même si je suis fou, ou si je jouis de ma raison. Hélas ! hélas ! l’un