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consuelo.

Cynabre s’arrêta devant Zdenko, et le regarda d’un air affectueux, attendant quelque caresse que cet ami ne daigna pas lui accorder. Il avait la tête dans ses deux mains, dans la même attitude et sur le même rocher où Consuelo l’avait laissé. Albert lui adressa la parole en bohémien, et il répondit à peine. Il secouait la tête d’un air découragé ; ses joues étaient inondées de larmes, et il ne voulait pas seulement regarder Consuelo. Albert éleva la voix, et l’interpella avec force ; mais il y avait plus d’exhortation et de tendresse que de commandement et de reproche dans les inflexions de sa voix. Zdenko se leva enfin, et alla tendre la main à Consuelo, qui la lui serra en tremblant.

« Maintenant, lui dit-il en allemand, en la regardant avec douceur, quoique avec tristesse, tu ne dois plus me craindre : mais tu me fais bien du mal, et je sens que ta main est pleine de nos malheurs. »

Il marcha devant eux, en échangeant de temps en temps quelques paroles avec Albert. Ils suivaient la galerie solide et spacieuse que Consuelo n’avait pas encore parcourue de ce côté, et qui les conduisit à une voûte ronde, où ils retrouvèrent l’eau de la source, affluant dans un vaste bassin fait de main d’homme, et revêtu de pierres taillées. Elle s’en échappait par deux courants, dont l’un se perdait dans les cavernes, et l’autre se dirigeait vers la citerne du château. Ce fut celui-là que Zdenko ferma, en replaçant de sa main herculéenne trois énormes pierres qu’il dérangeait lorsqu’il voulait tarir la citerne jusqu’au niveau de l’arcade et de l’escalier par où l’on remontait à la terrasse d’Albert.

« Asseyons-nous ici, dit le comte à sa compagne, pour donner à l’eau du puits le temps de s’écouler par un déversoir…