Aller au contenu

Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
consuelo.

avec Albert, lui raconta en peu de mots l’accueil que son pacifique Zdenko lui avait fait, et la tentative de l’enterrer vivante, qu’il avait presque entièrement exécutée, au moment où elle avait eu la présence d’esprit de l’apaiser par une phrase singulièrement hérétique. Une sueur froide ruissela sur le front d’Albert en apprenant ces détails incroyables, et il lança plusieurs fois sur Zdenko des regards terribles, comme s’il eût voulu l’anéantir. Zdenko, en les rencontrant, prit une étrange expression de révolte et de dédain. Consuelo trembla de voir ces deux insensés se tourner l’un contre l’autre ; car, malgré la haute sagesse et l’exquisité de sentiments qui inspiraient la plupart des discours d’Albert, il était bien évident pour elle que sa raison avait reçu de graves atteintes dont elle ne se relèverait peut-être jamais entièrement. Elle essaya de les réconcilier en leur disant à chacun des paroles affectueuses. Mais Albert, se levant, et remettant les clefs de son ermitage à Zdenko, lui adressa quelques mots très-froids, auxquels Zdenko se soumit à l’instant même. Il reprit sa lanterne, et s’éloigna en chantant des airs bizarres sur des paroles incompréhensibles.

« Consuelo, dit Albert lorsqu’il l’eut perdu de vue, si ce fidèle animal qui se couche à vos pieds devenait enragé ; oui, si mon pauvre Cynabre compromettait votre vie par une fureur involontaire, il me faudrait bien le tuer ; et croyez que je n’hésiterais pas, quoique ma main n’ait jamais versé de sang, même celui des êtres inférieurs à l’homme… Soyez donc tranquille, aucun danger ne vous menacera plus.

— De quoi parlez-vous, Albert ? répondit la jeune fille inquiète de cette allusion imprévue. Je ne crains plus rien. Zdenko est encore un homme, bien qu’il ait perdu la raison par sa faute peut-être, et aussi un peu