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consuelo.

par la vôtre. Ne parlez ni de sang ni de châtiment. C’est à vous de le ramener à la vérité et de le guérir au lieu d’encourager son délire. Venez, partons ; je tremble que le jour ne se lève et ne nous surprenne à notre arrivée.

— Tu as raison, dit Albert en reprenant sa route. La sagesse parle par ta bouche, Consuelo. Ma folie a été contagieuse pour cet infortuné, et il était temps que tu vinsses nous tirer de cet abîme où nous roulions tous les deux. Guéri par toi, je tâcherai de guérir Zdenko… Et si pourtant je n’y réussis point, si sa démence met encore ta vie en péril, quoique Zdenko soit un homme devant Dieu, et un ange dans sa tendresse pour moi, quoiqu’il soit le seul véritable ami que j’aie eu jusqu’ici sur la terre… sois certaine, Consuelo, que je l’arracherai de mes entrailles et que tu ne le reverras jamais.

— Assez, assez, Albert ! murmura Consuelo, incapable après tant de frayeurs de supporter une frayeur nouvelle. N’arrêtez pas votre pensée sur de pareilles suppositions. J’aimerais mieux cent fois perdre la vie que de mettre dans la vôtre une nécessité et un désespoir semblables. »

Albert ne l’écoutait point, et semblait égaré. Il oubliait de la soutenir, et ne la voyait plus défaillir et se heurter à chaque pas. Il était absorbé par l’idée des dangers qu’elle avait courus pour lui ; et dans sa terreur en se les retraçant, dans sa sollicitude ardente, dans sa reconnaissance exaltée, il marchait rapidement, faisant retentir le souterrain de ses exclamations entrecoupées, et la laissant se traîner derrière lui avec des efforts de plus en plus pénibles.

Dans cette situation cruelle, Consuelo pensa à Zdenko, qui était derrière elle, et qui pouvait revenir sur ses pas ; au torrent, qu’il tenait toujours pour ainsi dire