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source venait de s’épancher ; ils atteignirent l’arcade et l’escalier de la citerne. Cynabre, habitué à cette dangereuse ascension, s’élança le premier, comme s’il eût craint d’entraver les pas de son maître en se tenant trop près de lui. Albert, portant Consuelo d’un bras et se cramponnant de l’autre à la chaîne, remonta cette spirale au fond de laquelle l’eau s’agitait déjà pour remonter aussi. Ce n’était pas le moindre des dangers que Consuelo eût traversés ; mais elle n’avait plus peur. Albert était doué d’une force musculaire auprès de laquelle celle de Zdenko n’était qu’un jeu, et dans ce moment il était animé d’une puissance surnaturelle. Lorsqu’il déposa son précieux fardeau sur la margelle du puits, à la clarté de l’aube naissante, Consuelo respirant enfin, et se détachant de sa poitrine haletante, essuya avec son voile son large front baigné de sueur.

« Ami, lui dit-elle avec tendresse, sans vous j’allais mourir, et vous m’avez rendu tout ce que j’ai fait pour vous ; mais je sens maintenant votre fatigue plus que vous-même, et il me semble que je vais y succomber à votre place.

— Ô ma petite Zingarella ! lui dit Albert avec enthousiasme en baisant le voile qu’elle appuyait sur son visage, tu es aussi légère dans mes bras que le jour où je t’ai descendue du Schreckenstein pour te faire entrer dans ce château.

— D’où vous ne sortirez plus sans ma permission. Albert, n’oubliez pas vos serments !

— Ni toi les tiens, lui répondit-il en s’agenouillant devant elle. »

Il l’aida à s’envelopper avec le voile et à traverser sa chambre, d’où elle s’échappa furtive pour regagner la sienne propre. On commençait à s’éveiller dans le château. Déjà la chanoinesse faisait entendre à l’étage infé-