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consuelo.

ver le vieux comte, en hâtant de tous ses vœux l’heure qui devait lui rendre Consuelo et le bonheur.

Mais cette heure sonna en vain ; Consuelo ne parut point. La chanoinesse, faisant de rapides progrès dans l’art du mensonge, raconta qu’elle s’était levée, mais qu’elle s’était sentie un peu faible, et avait préféré dîner dans sa chambre. On feignit même de lui envoyer une part choisie des mets les plus délicats. Ces ruses triomphèrent de l’effroi d’Albert. Quoiqu’il éprouvât une tristesse accablante et comme un pressentiment d’un malheur inouï, il se soumit, et fit des efforts pour paraître calme.

Le soir, Wenceslawa vint, avec un air de satisfaction qui n’était presque plus joué, dire que la Porporina était mieux ; qu’elle n’avait plus le teint animé, que son pouls était plutôt faible que plein, et qu’elle passerait certainement une excellente nuit. « Pourquoi donc suis-je glacé de terreur, malgré ces bonnes nouvelles ? » pensa le jeune comte en prenant congé de ses parents à l’heure accoutumée.

Le fait est que la bonne chanoinesse, qui, malgré sa maigreur et sa difformité, n’avait jamais été malade de sa vie, n’entendait rien du tout aux maladies des autres. Elle voyait Consuelo passer d’une rougeur dévorante à une pâleur bleuâtre, son sang agité se congeler dans ses artères, et sa poitrine, trop oppressée pour se soulever sous l’effort de la respiration, paraître calme et immobile. Un instant elle l’avait crue guérie, et avait annoncé cette nouvelle avec une confiance enfantine. Mais le chapelain, qui en savait quelque peu davantage, voyait bien que ce repos apparent était l’avant-coureur d’une crise violente. Dès qu’Albert se fut retiré, il avertit la chanoinesse que le moment était venu d’envoyer chercher le médecin. Malheureusement la ville était éloignée, la nuit obscure, les chemins détestables, et Hanz