Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/135

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dérions comme une de nos sœurs. Tu venais chaque jour nous regarder, et nos mouvements gracieux te charmaient, en même temps que notre voix mélodieuse dissipait tes ennuis. Tu ne nous as jamais fait de mal, aussi ne t’ai-je point accusée des malheurs de mon peuple. La sécheresse l’a détruit, hélas ! Seule j’ai survécu au désastre, seule j’ai suivi les quelques gouttes d’eau qui fuyaient à travers ce pré. Je m’y suis établie, en attendant qu’un nouveau mariage me permette d’avoir une nouvelle famille. Écoute donc bien mes paroles. N’aie jamais l’idée, de dessécher mon nouvel empire comme tu as desséché les douves de ton manoir, où j’avais daigné établir ma résidence ; sache que, si tu en faisais autant de ce pré, il t’arriverait de grands malheurs ainsi qu’à ta famille.

— Vous vous moquez, madame, répliqua Margot avec assurance. Je vois bien que vous êtes fée, et vous devez savoir que jamais je n’ai eu l’intention de vous faire de la peine ; même, s’il dépend de moi de vous rendre quelque service, j’y suis très-disposée, car je vois votre chagrin, et je n’ai point un mauvais cœur.

— Eh bien ! ma belle enfant, dit la grenouille, je vais t’ouvrir le mien et te confier mes peines. Suis-moi dans mon palais de cristal, tu apprendras des choses merveilleuses que nulle oreille humaine n’a jamais entendues.

En parlant ainsi, la reine Coax plongea au plus profond de l’eau. Marguerite se trouva persuadée au point qu’elle allait l’y suivre, lorsqu’elle se sentit