Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Reviens, à présent, lui dit-elle, il faut m’aider ; mais attends que je mette mes lunettes ! — Elle mit sur son nez aquilin ses grandes lunettes d’argent : — Que vois-je ? s’écria-t-elle, tu as oublié le nuage rose  ! Crois-tu que je veuille faire grâce à ton bel ami ? Cours vite me le chercher et ne souffre pas qu’il échappe !

Le nuage rose fit beaucoup courir Catherine. Entraîné par le vent, il allait disparaître ; Catherine lui jeta le fil qui la retenait dans l’air, et aussitôt il vint se blottir dans son tablier en chantant d’une voix douce et plaintive : — Cher petit tablier qui m’as déjà sauvé, sauve-moi encore ! Catherine, bonne Catherine, prends pitié de moi ; ne me livre pas à la fileuse !

Catherine revint auprès de sa tante. Elle avait relevé et noué son tablier, espérant que dame Colette n’y ferait pas attention. Le fait est qu’elle était très-affairée ; elle avait bien dressé et bien peigné sa meule, et, armée de cardes très-fines, elle commençait à carder les nuages. Elle allait si vite qu’en un moment ce fut fini, et, comme Catherine se baissait pour enlever une charge de cette ouate éclatante, son tablier se dénoua, et le nuage rose roula dans le tas. — Ah ! friponne que vous êtes ! dit la tante en le saisissant dans ses cardes ; vous avez cru que je ne le découvrirais pas ! Au tas, le nuage rose, au tas comme les autres !

— Ma tante ! ma tante ! grâce pour celui-là ! s’écria Catherine, grâce pour mon petit nuage !

— Mets-le sur ta quenouille, répondit dame