Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/360

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meux géant. Je ne monte pas souvent là-haut, et n’ai jamais fait grande attention à cette pierraille ; peut-être te donnerai-je un bon avis.

Quand il eut tout examiné : — Il y a, dit-il, dix fois plus d’ouvrage que je ne pensais. Ce n’est pas en deux saisons que dix bons ouvriers pourraient déblayer cela. Il faudrait aussi une quantité de poudre… Si tu veux m’en croire, tu y renonceras ; tu y mangerais tout ce que tu as, et tu ne serais pas payé de tes peines.

— N’avez-vous pas ouï dire pourtant, père Bradât, que l’herbe de ce pâturage était le meilleur échelon de la montagne ? Mon père me l’a tant répété que je le crois.

— Je ne dis pas non. Le peu qui y pousse encore est de première qualité ; mais quand tu auras déblayé, je suppose, il faudra fumer, et pour fumer il faut un troupeau ; il faut même bien vite un fort troupeau, car l’ancien engrais est tout perdu, et c’est un pâturage à recommencer en terre vierge. Si tu es bien riche, si tu as quatre mille francs par exemple…

— Je n’en ai pas la moitié.

— Alors n’entreprends pas cela, ce serait ta ruine. Qu’est-ce que c’est que ces chiffres-là sur le rocher ?

— C’est moi qui les ai inventés pour calculer…

— Ah ! je comprends : Tu ne sais donc pas écrire ?

— Ni lire non plus.

— C’est un malheur. Tu devrais apprendre, ça t’aiderait plus que tous tes coups de masse sur la pierre.

— Je ne dis pas non ! Si vous vouliez m’apprendre…