Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/99

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pas me conseiller de l’abandonner au désespoir et à la misère pour préserver mon avenir.

— C’est fort bien, dit le docteur ; mais mon présent, à moi ? mon revenu, c’est-à-dire mon bien-être ? il faudra donc que je le diminue de moitié, dès demain ?

— Si vous m’eussiez mariée, ne l’eussiez-vous pas fait ?

— Je comptais que tu resterais près de moi, que nous vivrions en famille ; de cette façon on ne s’aperçoit pas de la dépense, on a pour compensation le bonheur domestique ; au lieu que me priver pour faire vivre largement madame Laure…

— Sans doute, reprit Diane, cela n’a rien de réjouissant ; mais tenez, j’y ai songé : je suis résolue à mettre mon autorité à la place de la sienne et je sens que j’en viendrai à bout. Je vous servirai l’intérêt du capital que vous me confiez. Croyez en moi, car si j’adore mon père, je vous adore aussi et je ne veux pas que vous souffriez, si peu que ce soit, du bienfait que vous me destinez.

— Allons ! dit le docteur en l’embrassant, j’y songerai. Va-t’en dormir et dors bien ; à tout risque et quoi qu’il arrive, ton père sera sauvé jusqu’à nouvel ordre, puisque tu le veux.

En effet, le lendemain, la maison de la ville et la maison de campagne mises aux enchères furent poussées et enlevées par le docteur Féron ; mais, contre l’attente de Diane, il garda pour lui l’une et l’autre. Il savait ce qu’il faisait et ne voulait pas la mettre dans l’alternative d’entrer en lutte avec son